En Cloque

J'ai mis sur le mur, au-dessus du berceau
Une photo d'Arthur Rimbaud.
Avec ses cheveux en brosse, je trouve qu'il est beau
Dans la chambre du gosse, bravo !
Déjà, les petits anges sur le papier peint
Il trouvait ça étrange, je dis rien.
Elles le font marrer, mes idées loufoques
Depuis que je suis en cloque.
Je me réveille la nuit, je veux bouffer des fraises.
J'ai des envies balaises.
Lui, il est aux petits soins, il se défonce en huit
Pour qu'elle manque de rien, sa petite.
C'est comme s'il pissait dans un violoncelle
Comme s'il n'existait plus pour moi.
Il se retrouve planté tout seul dans son froc
Depuis que je suis en cloque.
En cloque... En cloque...
Le soir, je tricote en buvant de la verveine.
Lui, il démêle ses pelotes de laine.
Moi, j'use les miroirs à me regarder dedans
À me trouver bizarre tout le temps.
Il me dit que je suis belle comme un fruit trop mûr.
Je crois qu'il se fout de moi, c'est sûr.
Faut bien dire ce qui est, lui aussi, il débloque
Depuis que je suis en cloque.
Faut qu'il retire ses grolles quand il rentre dans la chambre
Du petit rossignol que je couve.
C'est que mon petit bonhomme qu'arrive en décembre
Je le protège comme une louve.
Même le chat pépère, moi, j'en dis du mal
Sous prétexte qu'il perd ses poils.
Je veux plus le voir traîner autour du paddock
Depuis que je suis en cloque.
En cloque... En cloque...
Quand il promène ses mains de l'autre côté de mon dos
Il sent comme des coups de poing, ça bouge.
Il me dit "T'es un jardin, une fleur, un ruisseau"
Alors je deviens toute rouge.
Parfois ce qui le désole, ce qui fait du chagrin
Quand il regarde mon ventre, puis le sien
C'est que même s'il devenait pédé comme un phoque
Lui, il ne sera jamais en cloque.
En cloque... En cloque...
En cloque... En cloque...